Les faits

Le 1er juillet 2019, l’Autorité de la concurrence a condamné la société Bikeurope B.V à une amende de 250 000€ pour avoir interdit de facto à ses distributeurs agréés la vente de cycles Trek à partir d’Internet.

La société Bikeurope B.V est, depuis le 1er janvier 2007, détenue à 100% par la société de droit américain Trek Bicycle Corporation. Elle dispose d’un établissement en France qu’elle exploite sous le nom commercial de « Trek France ».

Comment l’interdiction des ventes en lignes a-t-elle été mise en œuvre ?

Pour toute commande passée sur le site Internet d’un distributeur, Bikeurope B.V obligeait le distributeur à mettre le vélo commandé à la disposition du consommateur dans son point de vente physique.

Ainsi, Bikeurope B.V interdisait à ses distributeurs d’expédier le vélo directement au consommateur qui n’avait donc d’autre choix que de venir retirer en magasin le vélo acheté en ligne.

L’Autorité de la concurrence considère que cette pratique revient de facto à interdire aux distributeurs de vendre à partir d’Internet.

En effet, obliger le distributeur à mettre à disposition les vélos dans son magasin plutôt que de les faire livrer directement à l’adresse indiquée par le consommateur retire tout intérêt à la vente en ligne pour le distributeur comme pour le consommateur. Le consommateur qui commande en ligne se retrouve ainsi contraint de se rendre au-delà de la zone dans laquelle il est normalement prêt à se déplacer pour effectuer un achat.

Deux clauses des conditions générales de vente de Bikeurope B.V illustraient la manière dont elle faisait peser cette interdiction sur ses distributeurs :

  • « Le client [le distributeur] ne peut diffuser de messages, quels qu’en soient la nature et l’objet, faisant usage du nom Trek et Trek Bicycles ainsi que les logos (…), sur un site internet ou un site marchand qu’avec l’accord préalable de Bikeurope BV ;

 

  • « Le client [le distributeur] doit revendre les produits sur le lieu de vente tel que déclaré à Bikeurope BV au moment de sa commande».

Par ailleurs, dans un courriel vraisemblablement adressé aux distributeurs (« undisclosed recipients ») Bikeurope B.V déclarait même :

« Nous interdisons la vente de nos vélos à distance (donc sur internet) ».

De plus, pour garantir le respect de cette interdiction, Bikeurope B.V menaçait de résilier les relations commerciales avec tout distributeur qui déciderait malgré tout de commercialiser ses produits via Internet et de les faire livrer directement à l’adresse indiquée par les consommateurs.

L’interdiction des ventes sur Internet au sein d’un réseau de distribution sélective, une restriction de concurrence par objet ?

Les juridictions européennes comme nationales considèrent que l’interdiction de vente sur Internet au sein d’un réseau de distribution sélective est susceptible de constituer une restriction de concurrence par objet, en ce qu’elle :

  • Réduit la possibilité des distributeurs de vendre des produits aux clients situés hors de leur zone d’activité ;
  • Limite le choix des consommateurs désireux d’acheter sans se déplacer ; et
  • Restreint, par voie de conséquence, la concurrence dans le secteur considéré.

La décision de l’Autorité de la concurrence condamnant Bikeurope est conforme à la jurisprudence établie des juridictions européennes et françaises.

En effet, le 13 octobre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré, dans l’arrêt Pierre Fabre, qu’une clause contractuelle stipulée dans le cadre d’un système de distribution sélective et consistant à interdire l’utilisation d’internet aux fins de vendre les produits constituait une restriction par objet, sauf justification objective tenant aux propriétés du produit.

Le 13 mars 2014, la cour d’appel de Paris a suivi la position de la CJUE en confirmant que l’interdiction générale et absolue de la vente en ligne constituait une restriction de concurrence par objet.

La lutte contre l’interdiction des ventes en lignes, priorité de l’Autorité de la concurrence ?

Le 24 octobre 2018, l’Autorité de la concurrence a condamné la société Stihl à une amende de 7 millions d’euros pour avoir interdit de facto, entre 2006 et 2017, la vente en ligne de certains produits tels que des tronçonneuses, débroussailleuses, élagueuses ou sécateurs à batterie sur les sites Internet de ses distributeurs. Cette condamnation a, en outre, été assortie d’une injonction imposant à Stihl de modifier l’ensemble de ses contrats de distribution sélective.

Cette décision confirme la position constante des autorités de concurrence nationales et communautaires, même s’il convient d’émettre une réserve.

En effet, Stihl a fait appel de cette décision sur le fond et, parallèlement, a sollicité le sursis à exécution de la décision devant la Cour d’appel de Paris.

Si la décision sur le fond n’a pas encore été rendue à ce jour, la Cour d’appel a fait droit à la demande de sursis à statuer formulée par Stihl au motif que la mise en œuvre de l’injonction prononcée entraînerait pour Stihl des coûts substantiels qui ne pourront pas être recouvrés en cas d’annulation de la décision de l’Autorité de la concurrence.

Sur le fond enfin, il n’est pas exclu que la Cour d’appel de Paris adopte une solution plus mesurée que l’Autorité de la concurrence en considérant que l’obligation de mise en main est justifiée par la dangerosité des produits commercialisés par Stihl.

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