Les opérations de croissance externe s’opèrent le plus souvent sur des marchés non matures où la concentration du marché n’est pas effective. Sauf dans les cas de diversification de portefeuille, l’opération de croissance consistera le plus souvent à racheter l’un de ses concurrents proches ou l’un de ses clients/fournisseurs. Dans ce dernier cas, on parle d’intégration verticale dans la mesure où les parties à la concentration interviennent à des niveaux différents de la chaîne de production ou de distribution.

En fonction des chiffres d’affaires respectifs du groupe de l’acquéreur et de la cible, il conviendra d’obtenir la validation préalable de l’opération par les gendarmes de la concurrence – l’Autorité de la concurrence (« l’ADLC ») en France et la Commission européenne pour l’Union européenne (la « Commission »).

Anticiper cette étape est nécessaire pour agir en conformité avec les règles de concurrence et sécuriser son opération d’acquisition.

Se faire conseiller par un avocat expert en droit de la concurrence est à ce titre indispensable.

La réalisation anticipée d’une opération soumise au contrôle d’une autorité de concurrence, le « gun jumping », est passible d’une amende pouvant aller, en France, jusqu’à 5 % du chiffre d’affaires réalisé en France lors du dernier exercice et, au niveau européen, jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires mondial.

Le dernier exemple de condamnation, en France, est le cas d’Altice où les entreprises concernées ont été condamnées à 80 millions d’euros pour réalisation anticipée d’une concentration pourtant notifiée. Au niveau européen, il s’agit de Marine Harvest, le 4 mars 2020, pour une absence de notification et une réalisation anticipée (c’est-à-dire avant l’obtention de l’autorisation) de l’opération de concentration.

Par conséquent, quelques réflexes simples peuvent être adoptés pour anticiper la notification d’une opération de croissance externe aux autorités compétentes

Vérifier si les parties concernées dépassent les seuils de chiffres d’affaires qui déclenchent le contrôle des autorités de concurrence.

  • L’ADLC est compétente si trois conditions cumulatives sont réunies :
    • CA total mondial des entreprises parties à la concentration > 150 millions d’euros ;
    • CA individuel réalisé en France > 50 millions d’euros ;
    • La Commission n’est pas compétente.
  • La Commission est compétente si trois conditions cumulatives[1] sont réunies :
    • CA total mondial des entreprises parties à la concentration > 5 milliards d’euros ;
    • CA total individuel réalisé dans l’Union européenne par au moins deux entreprises concernées > 250 millions d’euros ;
    • Les entreprises concernées ne doivent pas réaliser plus de 2/3 de leur CA dans un seul Etat membre.

Si ces seuils sont dépassés, vérifier que l’opération est bien une concentration 

  • Soit une fusion de deux ou plusieurs entreprises;
  • Soit en toute hypothèse une « prise de contrôle » permettant à l’acquéreur (ou aux parties membres d’une entreprise commune par exemple) d’exercer une « influence déterminante» sur la cible c’est-à-dire déterminer ou bloquer les décisions stratégiques de l’entreprise cible.

Sont donc concernés les rachats d’entreprises, les prises de participation majoritaire ou bloquante et même la création d’une entreprise commune ou « joint-venture ».

S’il s’agit bien d’une concentration, il faut notifier l’opération à l’autorité compétente et suspendre sa réalisation de celle-ci tant que l’autorité n’a pas donné son feu vert.

En pratique, les notifications auprès des autorités de concurrence s’opèrent le plus souvent entre la phase de signature (« signing ») de la documentation contractuelle et la phase de réalisation de l’opération « closing » c’est-à-dire lorsque toutes les conditions suspensives (financement et concurrence notamment) sont levées.

Comment notifier une opération de concentration ?

En préparant un dossier complet présentant l’opération.

Les opérations qui, en première analyse, ne posent pas de problèmes de concurrence sont éligibles à la procédure simplifiée.

La préparation du dossier de notification prend plusieurs semaines et doit donc être impérativement anticipée. Dans ce cadre, il faut effectuer une analyse du ou des marchés concernés par l’opération incluant une analyse des parts de marché détenues par l’acheteur et la cible, ainsi que les effets possibles sur la concurrence sur les marchés concernés par l’opération. A ce stade, il peut être pertinent de proposer des engagements pour anticiper une réaction des autorités et remédier aux éventuels effets négatifs sur la concurrence.

Quels sont les délais effectifs de traitement ?  

25 jours ouvrés à partir de la date de notification à l’ADLC. Ce délai peut être prolongé de 15 jours à la demande des parties ou automatiquement si l’acquéreur propose à l’ADLC de prendre des engagements destinés à lever des préoccupations de concurrence. Pendant cette période d’examen, la « phase 1 », il faut coopérer avec l’ADLC pour répondre à ses questions.

A noter qu’en cas de reprise à la barre d’une entreprise, les autorités de concurrence restent compétentes et ces délais doivent être anticipés par l’administrateur judiciaire et le repreneur.

A ces délais légaux, il faut ajouter le temps de préparation du dossier qui, suivant sa complexité, peut varier d’une à plusieurs semaines. Ainsi, le maître-mot d’une opération de concentration bien dirigée est l’anticipation.

Que faut-il faire pendant la phase d’instruction ?

S’abstenir de tout acte modifiant la structure de l’opération ou de la cible.

En d’autres termes, tant que les autorités de concurrence n’ont pas donné leur accord, l’acquéreur ne peut pas prendre le contrôle effectif de la cible. Il doit s’abstenir de toute décision, engagement ou intervention dans la prise de décision.

En revanche, les parties peuvent mettre en place des « équipes dédiées » appelées « clean teams » qui sont chargées de travailler à l’intégration de la cible au sein de la structure existante sur certains aspects techniques uniquement (informatique ou RH par exemple) mais sans jamais intervenir dans les décisions stratégiques de la cible. Ces dispositifs ont pour vocation d’éviter d’enfreindre les règles de concurrence et notamment de mettre en œuvre l’opération de manière anticipée.

Pas de panique : 96 % des concentrations sont autorisées et 70 % sont autorisées à la suite d’un examen rapide qui peut ne durer que trois semaines.

[1] D’autres seuils sont applicables et doivent être vérifiés si ces premiers seuils ne sont pas atteints.

Guides pratiques

Promotion de Loi Egalim
Aspects procéduraux communs aux accords verticaux et abus de position dominante
Salles de sport : anticiper et gérer les risques de contrôle de la DGCCRF
Guide pratique e-commerce