La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 1er juillet 2015, avait condamné un groupement d’achats à restituer aux fournisseurs 61,3 millions d’euros et à payer une amende civile de 2 millions d’euros.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 25 février 2017 (Cass.com, n°15-23.547), confirme la condamnation.

La Cause ? Deux clauses prévues dans les contrats-cadres conclus entre une centrale d’achat et les fournisseurs qui, selon le ministre de l’économie, créaient un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Le contrat cadre régissant les relations commerciales entre le groupement d’achat et ses fournisseurs prévoyait, au profit de la centrale, une ristourne de fin d’année (RFA), soit en contrepartie de la constatation d’un chiffre d’affaires non chiffré ou d’un chiffre d’affaires inférieur de près de moitié à celui réalisé l’année précédente et l’année durant laquelle la RFA était due, soit sans aucune contrepartie.

Pour rappel, l’article L442-6 I 2° du Code du commerce interdit le fait pour tout commerçant « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Pour sa défense, le groupement d’achat estimait d’une part que le simple fait d’obtenir une réduction de prix de la part de son cocontractant ne soumettait ce dernier à « aucune obligation » et d’autre part que l’appréciation du « déséquilibre significatif », conformément à la définition donnée par le Code de la consommation, ne peut jamais résulter de l’inadéquation du prix au bien vendu. En outre, elle s’appuyait sur la loi LME du 4 août 2008 qui a instauré le principe de libre négociabilité des tarifs et supprimé l’obligation de justifier toute réduction du prix fournisseur par une contrepartie.

La Cour de cassation rejette cette argumentation et approuve la décision de la Cour d’appel en considérant que :

  1. La loi institue un contrôle judiciaire du prix grâce à l’examen de la convention écrite rendue obligatoire. En effet, la loi du 4 août 2008, qui exige une convention écrite indiquant le barème de prix du fournisseur et ses conditions générales de vente, a entendu permettre une comparaison entre le prix arrêté par les parties et le tarif initialement proposé par le fournisseur. 
  2. Le principe de négocier les prix librement n’est pas sans limites : même si les taux de ristourne différaient selon les fournisseurs, ils étaient pré-rédigés, n’avaient donc pas été négociés, et n’avaient pas de contreparties.
  3. L’article L.442-6 I 2° du Code de commerce ne vise pas à établir la même protection que celle prévue par le Code de la consommation et n’exclut pas, contrairement à ce dernier, que le déséquilibre significatif puisse résulter d’une inadéquation du prix au bien vendu. En tout état de cause, le déséquilibre significatif reproché au groupement d’achat ne résultait pas des prix consentis mais du mécanisme de mise en œuvre d’une ristourne de fin d’année.

Par cet arrêt, la Cour de cassation limite ainsi le principe de la libre négociabilité du prix en l’absence de négociation, qui est sanctionnée par le biais du déséquilibre significatif.

De plus, elle confirme, outre la condamnation à une amende, l’obligation de restituer aux fournisseurs, par l’intermédiaire du Trésor Public, les sommes correspondant aux remises indûment pratiquées.

Cette intermédiation des autorités va libérer les fournisseurs d’une pression supplémentaire de la part des centrales d’achat, puisque le Ministère de l’Economie se charge de défendre leurs droits au nom de l’ordre public économique.

Le 17/03/2017

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