Fin de l’Etat d’urgence sanitaire et état de cessation des paiements

« Nul n’est censé ignorer la Loi ».

Chacun connaît cet adage qui s’applique naturellement au chef d’entreprise rencontrant des difficultés.

S’il est donc supposé connaître ses obligations, il ne doit pas oublier non plus qu’il existe des outils prévus par la Loi, qui pourront l’aider à faire face à ses difficultés.

S’il anticipe en prenant en considération suffisamment en amont un certain nombre de signaux censés l’alerter sur la situation dégradée que rencontre son entreprise, le dirigeant ne doit pas ignorer qu’il pourra par exemple saisir le Président du tribunal d’une mesure de prévention (mandat ad hoc ou conciliation) et négocier des moratoires avec ses principaux créanciers publics ou privés, ou saisir le tribunal d’une demande de sauvegarde s’il justifie que son entreprise ne se trouve pas en cessation de paiements.

A l’inverse, lorsque l’entreprise se trouve déjà en état de cessation de paiement, (NB : elle ne peut plus faire face à son passif exigible avec son actif disponible), le dirigeant est tenu, dans un délai légal de 45 jours, de déclarer au greffe du tribunal son état de cessation des paiements, et demander au tribunal l’ouverture d’une procédure (judiciaire et publique) de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire. Il peut toutefois également de demander au Président du tribunal l’ouverture d’une conciliation (procédure amiable et confidentielle) ouverte nonobstant un état de cessation de paiements dès lors qu’il est avéré depuis moins de 45 jours.

En raison de l’état d’urgence sanitaire, toutes les entreprises qui se sont retrouvées en cessation de paiement entre le 13 mars et le 23 août dernier (période qualifiée d’«Etat d’urgence sanitaire »), ont bénéficié, de plein droit, d’une parenthèse puisque le délai de 45 jours ne commence à courir qu’à compter de cette dernière date.

En d’autres termes, les entreprises s’étant retrouvées en état de cessation des paiements entre le 13 mars et le 23 août, disposeront d’un délai expirant au 7 octobre prochain (soit 23/8 + 45 jours) au plus tard, pour solliciter l’ouverture d’une procédure.

Il est donc vraisemblable d’ici au 7 octobre prochain, que des entreprises fragilisées, aidées jusqu’ici par les mesures gouvernementales, se trouvent contraintes de solliciter l’ouverture soit d’une conciliation auprès du Président du tribunal (puisque cette procédure est également ouverte à l’entreprise qui se trouve en état de cessation de paiement depuis moins de 45 jours), soit d’un redressement judiciaire.

Le dirigeant qui ne solliciterait pas l’ouverture d’une de ces procédures dans ce délai s’expose à ce que le caractère tardif de sa démarche lui soit ultérieurement reproché.

Mieux vaut toutefois saisir le juge avec quelques jours de retard que de ne pas agir ou retarder encore cette démarche. L’idée est bien d’anticiper les difficultés et de se rapprocher du tribunal le plus en amont possible lorsque les premiers signaux de difficultés apparaissent, et non une fois l’activité définitivement compromise.

Si la loi a mis un terme à l’état d’urgence sanitaire (jusqu’à la prochaine mesure gouvernementale), impliquant un retour aux règles habituelles définies au Code de commerce, le chef d’entreprise bénéficiera encore de quelques aménagements limités dans le temps au 31 décembre 2020 spécifiquement pour la procédure de conciliation qu’il n’est pas inutile de rappeler ici.

En effet, jusqu’au 31 décembre 2020 uniquement, en cas de conciliation en cours à cette date, lorsqu’un créancier exige le règlement de sa créance et/ou n’accepte pas de suspendre ses poursuites durant les négociations menées par le conciliateur, l’entreprise peut demander au Président du tribunal, sur simple requête :

=> qu’il interrompe ou qu’il interdise temporairement à ce créancier d’agir en justice contre elle pour obtenir le paiement de la somme d’argent qu’elle lui doit ou la résiliation d’un contrat pour ce motif ;

=> qu’il arrête ou qu’il interdise temporairement toute procédure d’exécution visant à saisir ses meubles ou ses biens immobiliers de la part de ce créancier ;

=> qu’il gèle jusqu’à la fin de la conciliation le règlement des sommes dues à ce créancier.

Cette règle s’inspire d’une certaine manière de ce qui est prévu en procédure collective pendant une période d’observation (L 622-21 du code de commerce) et se trouve transposée provisoirement en phase de conciliation.

Il faut ajouter que, selon les règles habituelles en la matière (article L 611-7 du Code de commerce), la société peut également demander au Président du tribunal, après avoir assigné devant lui le créancier récalcitrant, des délais de grâce ou un report pur et simple dans la limite de deux années ; La décision ne sera pas susceptible de recours. En cas de cumul de ces deux outils, (gel pendant la conciliation et délais de paiement), les délais accordés par le Président pendant la durée de la conciliation seront décomptés des délais de grâce accordés).

Ces mesures tout à fait dérogatoires du droit commun et limitées dans le temps (jusqu’à nouvel ordre) sont destinées à protéger davantage encore l’entreprise victime de la crise sanitaire.

Mais il n’est jamais inutile de rappeler qu’indépendamment de ces mesures dérogatoires et temporaires, la conciliation, comme le mandat ad hoc, présentent l’intérêt majeur d’offrir au chef d’entreprise un cadre de négociation confidentiel et sécurisé, lui permettant, avec un taux de succès important, de rebondir et d’éviter le recours à une procédure collective, ou parfois de la préparer (par exemple dans la perspective d’un pré-pack cession).

Si nul n’est censé ignorer la Loi, les Conseils de l’entreprise sont précisément là pour accompagner le dirigeant et l’informer des nombreux outils législatifs à sa disposition, car plus le mal est traité tôt, plus vite intervient la guérison…

 

Votre contact : Rémy Gomez, Avocat associé, Pôle Restructuring,

 

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A jour au 14 septembre 2020

 

Rémy GOMEZ

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