L’information précontractuelle : un enjeu essentiel
Mettre en place un réseau de franchise permet pour le franchiseur d’organiser la réitération de son succès commercial en ayant recours à des professionnels indépendants, les franchisés, qui prennent les risques financiers attachés au développement de leur activité.
Dans ce contexte, trouver et convaincre les futurs franchisés d’intégrer son réseau sans se mettre en risque juridique n’est pas chose aisée pour le franchiseur. A l’inverse, investir dans une franchise n’est pas une décision facile pour le franchisé étant donné les investissements et engagements que cela supposent et celui-ci doit s’attendre à être parfaitement éclairé.
C’est la raison pour laquelle, la période précontractuelle est essentielle. Relativement longue, elle requiert une attitude rigoureuse, notamment pour le franchiseur au titre de la transmission des informations précontractuelles obligatoires et/ou déterminantes à la conclusion du contrat.
Les fondements juridiques applicables
Préalablement à la conclusion d’un contrat de franchise, la loi impose au franchiseur de transmettre au candidat à la franchise un certain nombre d’informations spécifiques afin de lui permettre de s’engager en connaissance de cause[1]. Cette obligation donne lieu en pratique à la fourniture par le franchiseur d’un document s’intitulant « document d’information contractuelle » (ci-après le « DIP »).
Outre la remise du DIP, il incombe au franchiseur, à l’instar du candidat à la franchise, une obligation générale d’information qui oblige à révéler toute information dont l’importance est déterminante au consentement[2].
La forme et le contenu du document d’information précontractuelle
L’article L. 330-3 du code de commerce met à la charge du franchiseur de fournir un document, ce qui suppose qu’il remette un écrit au franchisé. Les informations devant être communiquées au candidat à la franchise dans cet écrit sont précisément listées à l’article R 330-1 du Code de commerce auquel le lecteur est invité à se reporter.
En synthèse, ces informations portent sur :
- le franchiseur ;
- la marque concédée ;
- le réseau d’exploitants ;
- l’évolution du franchiseur et du réseau en lui-même ;
- l’indication de certaines conditions du contrat proposé.
⚠️ Important :
Le DIP doit comporter des informations exactes, complètes, vérifiables et récentes.
La période de communication du document d’information précontractuelle
Le DIP doit être remis au moins vingt jours avant la conclusion du contrat de franchise. En cas de contentieux, il appartient au franchiseur de démontrer qu’il a effectivement remis un DIP à son franchisé dans le délai imparti.
⚠️ Important :
Il est nécessaire de mettre en place un processus permettant de dater la remise du DIP et de ses actualisations car :
- La transmission d’un DIP dans le délai imparti n’exclut pas le risque d’un vice du consentement du franchisé s’il est démontré que le franchiseur n’a pas porté à sa connaissance des évènements postérieures à la remise du DIP qui auraient pu influencer sa décision de contracter[3];
- Lorsque le contrat de franchise est renouvelé, même tacitement, le franchiseur doit transmettre un nouveau DIP, dans le délai imparti, pour tenir compte de l’évolution du réseau[4]. A défaut, le franchisé pourrait tenter d’obtenir la nullité du contrat renouvelé s’il démontre que son consentement a été vicié et qu’un préjudice en a découlé.
Les informations additionnelles communiquées
Dans l’éventualité où le franchiseur inscrit dans le DIP une information que la loi ne l’oblige pas à transmettre, cette information doit être sincère au même titre que les informations qu’il a pour obligation de transmettre.
En tout état de cause, si le franchiseur communique des informations supplémentaires, il doit alors communiquer toutes les informations déterminantes y afférant, c’est un dire un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties[5].
Le contentieux relatif à la transmission d’études de maché local en est un parfait exemple. En effet, légalement le franchiseur a seulement pour obligation de transmettre un état du marché local, c’est-à-dire une présentation du marché général et local et de ses perspectives de développement, et non une étude de marché. Lorsque le franchiseur fait le choix de communiquer une étude de marché au candidat à la franchise, celle-ci doit présenter un caractère sincère et doit présenter des informations déterminantes[6].
⚠️ Important :
Il est nécessaire de mettre en place un processus qui permet de s’assurer régulièrement de la sincérité des informations transmises par le franchiseur et dans ce cadre de :
- S’appuyer sur des experts qui fournissent une information complète, transparente et claire ;
- Inciter le candidat franchisé à demander toute information qu’il considère utile et conserver des éléments probants d’une telle démarche.
Sanctions liées aux défauts de communication d’une information précontractuelle
Le franchiseur qui ne communique pas de DIP, le communique moins de vingt jours avant signature du contrat de franchise projeté ou communique un DIP contenant des informations qui ne sont pas sincères commet une contravention de cinquième classe l’exposant au paiement d’une amende dont le montant peut aller jusqu’à 7 500 € pour les personnes morales.
D’autres sanctions, propres au droit civil peuvent également être prononcées par les tribunaux. En effet, en cas de contentieux, le franchisé pourra notamment solliciter, s’il estime que le franchiseur a manqué à son obligation d’information précontractuelle :
- Le paiement de dommages-intérêts ; ou
- La nullité du contrat de franchise.
⚠️ Important :
Le franchisé doit pouvoir en tout état de cause caractériser la faute du franchiseur, son préjudice ou le vice du consentement [7]. Cela suppose pour le franchisé de rapporter la preuve du comportement fautif du franchiseur et de l’existence d’un préjudice. Pour se prémunir d’une telle action, le franchiseur doit quant à lui veiller à documenter ses actions afin de se ménager la preuve de sa bonne foi pour se défendre.
En tout état de cause, le franchisé doit également s’assurer qu’il fournit au franchiseur les informations déterminantes à son consentement et doit dans ce cadre adopter un comportement loyal dans le cadre de la période précontractuelle.
[1] Article L. 330-3 du code de commerce
[2] Article 1112-1 du code civil
[3] Cass. Com., 26 juin 2024, n° 23-14.085
Cass. com., 4 déc. 2024, n° 23-16.684 : En l’espèce, la signature du contrat était intervenue quatorze mois après que le DIP avait été remis au franchisé et pendant cette période le franchiseur n’avait pas informé le candidat à son réseau de franchise que la situation du réseau s’est dégradée en raison de l’ouverture de plusieurs procédures collectives à l’égard d’autres franchisés
[4] Cass. com., 14 janv. 2003, n° 05-14.118
[5] CA Paris, 27 mars 2024, n°22/12.665 : Dans cette espèce, le contrat de franchise a été annulé pour dol a défaut pour le franchiseur d’informer le candidat les difficultés financières des sociétés exploitant le concept voisin « Point Soleil » au concept de la franchise « Smart Body », donné en exemple, et les procédures collectives en cours les concernant.
[6] Cass. com., 18 oct. 2023, n° 22-19.329
[7] CA Paris, 21 février 2024, n° 22/12529 : Dans cet arrêt la nullité du contrat de franchise a été prononcé en raison du non-respect du délai de vingt jours au motif que « la concomitance de la signature du contrat et de la remise du DIP les a induits [les représentants du franchisé] en erreur sur l’appréciation du coût de leur engagement […]. Ils n’ont ainsi pu mesurer la portée et l’utilité de leur engagement et la faisabilité concrète du projet objet du contrat. Ces éléments étant déterminants du consentement des parties, le vice est caractérisé et fonde la nullité du contrat. »