LES TROIS PILIERS DE LA FRANCHISE :
DES ENGAGEMENTS SIGNIFICATIFS ET CONTINUS POUR LE FRANCHISEUR
Le contrat de franchise est le contrat par lequel un franchisé se voit accorder le droit d’exploiter le savoir-faire et les signes distinctifs déjà éprouvés par un franchiseur, ce qui lui confère un avantage économique et concurrentiel. Pour assurer cette exploitation, le franchiseur s’engage à fournir une assistance commerciale et/ou technique au franchisé pendant toute la durée de la relation contractuelle[1].
En contrepartie, le franchisé verse une compensation financière (droit d’entrée, redevances, etc.) au franchiseur.
Le savoir-faire et les signes distinctifs du réseau (marque, enseigne, charte graphique, etc.) constituent ensemble le « concept » transmis par le franchiseur.
➡️➡️L’objectif est double :
- permettre au franchisé de réitérer la réussite commerciale du franchiseur en bénéficiant d’emblée de la renommée du concept, et
- permettre au franchiseur de développer et promouvoir son concept grâce aux investissements et efforts du franchisé.
📜Le contrat de franchise repose sur trois piliers en vertu desquels le franchiseur doit :
- Transmettre un savoir-faire (I),
- Mettre à disposition des signes distinctifs (II), et
- Apporter une assistance technique et/ou commerciale continue (III).
Le défaut de fourniture de l’un de ces trois éléments peut exposer le franchiseur à d’importants risques. Le franchisé pourrait notamment résilier le contrat de franchise à ses torts, ou obtenir la nullité du contrat de franchise, auquel cas le franchiseur pourrait être tenu de verser des dommages-intérêts et/ou rembourser au franchisé les sommes qu’il lui a versées.
I – La transmission du savoir-faire
La réglementation européenne[2] définit le savoir-faire comme « un ensemble secret, substantiel et identifié d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du fournisseur et testées par celui-ci ». Les juridictions considèrent également que ces caractéristiques permettent d’identifier le savoir-faire[3].
Le savoir-faire est :
- Secret ou original lorsque les éléments constitutifs du savoir-faire ne sont ni généralement connus, ni aisément accessibles. Le caractère secret/original du savoir-faire est apprécié au cas par cas par les juges français (exemples : transmission de méthodes de sélection et de vente de produits[4]; services commerciaux innovants[5] ; procédés qui n’auraient pu être découverts par le franchisé que par des recherches longues et coûteuses[6]).
- Substantiel lorsqu’il est significatif et utile à l’acheteur aux fins de l’utilisation, de la vente ou de la revente des biens ou des services contractuels. Le savoir-faire doit conférer un avantage économique et concurrentiel réel à son bénéficiaire (augmentation du chiffre d’affaires, de la marge, etc.).
- Identifié lorsqu’il est décrit d’une façon suffisamment complète et précise pour permettre de vérifier qu’il remplit bien les deux conditions précitées.
En pratique : cette exigence se traduit souvent par la remise au franchisé, dès la signature du contrat, d’un manuel opératoire/d’instructions, fréquemment appelé « Bible ». Ce document comprend des éléments concrets tels que des méthodes de vente, d’agencement du point de vente, ou encore de gestion des stocks.
⚠️ L’absence de remise d’un tel manuel ne suffit pas à caractériser, à elle seule, le défaut de savoir-faire[7].
En principe, le savoir-faire n’est pas figé car il incombe au franchiseur de l’actualiser et de le développer.
Par ailleurs, le franchiseur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger son savoir-faire contre une utilisation illicite par des tiers ou d’anciens franchisés, notamment via des actions en concurrence déloyale ou en invoquant la protection du secret des affaires lorsque les conditions légales sont réunies.
🔎Le savoir-faire doit-il être éprouvé avant d’être transmis ?
En principe, le franchiseur doit être en mesure de démontrer qu’il a éprouvé et expérimenté son savoir-faire avec succès[8].
Par conséquent, les franchiseurs ont souvent recours à un magasin pilote (« proof of concept ») pour expérimenter et perfectionner leur savoir-faire. Ce dispositif leur permet également de tester la viabilité de leur modèle dans des conditions réelles d’exploitation.
D’autres indices peuvent également démontrer que le franchiseur a éprouvé et expérimenté son savoir-faire, tels que :
⚖️ Sanctions du défaut de transmission et d’actualisation du savoir-faire :
Lorsque le franchiseur ne parvient pas à démontrer le caractère secret, substantiel et identifié de son savoir-faire, les juges tranchent et annulent le contrat de franchise pour défaut de contrepartie et condamnent le franchiseur à restituer le droit d’entrée et les redevances qu’il a perçus. Encourent ainsi la nullité :
- Le contrat de franchise mettant à disposition un savoir-faire non-spécifique de gestion de programmes immobiliers qui transmet la méthode mise en œuvre par n’importe quel promoteur normalement avisé[12],
- Le contrat de franchise qui définit le savoir-faire de manière floue et qui indique qu’il n’est ni assimilé, ni qualifié de savoir-faire au sens de la réglementation européenne[13].
💡A savoir : le défaut d’actualisation du savoir-faire est également sanctionné par la jurisprudence qui reconnait que la résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur peut être prononcée. Dans ce cas, le franchiseur peut être condamné à restituer une partie des redevances perçus et à verser des dommages-intérêts pour réparer la perte de valeur du fonds de commerce du franchisé, le préjudice moral de son dirigeant et la marge trop perçue par le franchiseur[14].
II – La mise à disposition des signes distinctifs
L’objectif du contrat de franchise est de permettre aux franchisés de bénéficier de la notoriété et de l’image de marque développés par le franchiseur. Il doit donc pouvoir utiliser tous les éléments qui vont lui donner la possibilité d’attirer la clientèle et de bénéficier de la notoriété du réseau.
La marque et l’enseigne constituent les principaux signes de ralliement de la clientèle qui doivent nécessairement être mis à disposition des franchisés, tout comme :
- Le nom commercial ;
- Les slogans ;
- Certains éléments visuels d’aménagement ;
- Certains éléments visuels de décoration, etc.
Cette mise à disposition suppose que le franchiseur soit titulaire des droits nécessaires qu’il concède à son franchisé.
La transmission des signes distinctifs détenus par le franchiseur doit être constatée par écrit, au moyen d’un contrat de licence d’exploitation inclus dans le contrat de franchise.
⚖️ Sanctions du défaut de mise à disposition de signes distinctifs
Lorsque le franchiseur concède une marque qui n’existe pas, la jurisprudence prononce la nullité du contrat de franchise et condamne le franchiseur à indemniser le franchisé. En ce sens, le franchiseur qui concède une marque expirée au moment de la signature du contrat de franchise doit être condamné à restituer le droit d’entrée versé par le franchisé et au paiement de dommages-intérêts[15] .
Par ailleurs, lorsque le franchiseur omet de procéder au renouvellement du signe distinctif qu’il concède[16] ou qu’il perd le droit de le concéder, la jurisprudence admet que le franchisé peut résilier le contrat de franchise aux torts du franchiseur.
III – L’obligation d’assistance continue
Il incombe au franchiseur de fournir une assistance commerciale et/ou technique au franchisé. Elle découle directement de de transmission du savoir-faire et permet au franchisé de mettre en œuvre efficacement le concept. Il s’agit d’une obligation de moyens pour le franchiseur.
Les engagements pris par le franchiseur au titre de son obligation d’assistance sont déterminés par le contrat de franchise. En pratique, deux formes d’assistance coexistent :
- L’assistance « initiale »: au démarrage de l’activité. Elle peut par exemple prendre la forme d’un accompagnement auprès des banques[17] et dans la recherche du point de vente[18] ; et
- L’assistance « continue »: pendant toute la période d’exécution du contrat et ce, de manière permanente. Il peut notamment s’agir de formations commerciales, au suivi téléphonique et au suivi du numérique annuelles[19].
⚖️ Sanctions du défaut d’assistance
Le défaut d’assistance donne rarement lieu à des sanctions du fait de l’indépendance dont jouissent les franchisés. Toutefois, le défaut d’assistance peut être sanctionné par :
- La nullité du contrat et le remboursement des redevances payées, par exemple lorsque les juges constatent que le franchiseur n’a ni apporté d’assistance à son franchisé lors de son implantation, ni participé à sa formation et au développement de son activité[20];
- La résiliation du contrat de franchise aux torts du franchiseur et le paiement de dommages-intérêts notamment lorsque les juges constatent que la formation s’est réduite à quelques réunions sans consistance et à des recommandations de bon sens.
La durée du contrat de franchise peut être écourtée en raison de l’absence ou de la disparition du savoir-faire, des signes distinctifs ou de l’assistance du franchisé. Il existe d’autres cas dans lesquels le contrat de franchise peut cesser prématurément (faute des parties, force majeure, etc.) ou naturellement (arrivée du terme). Franchisés et franchiseurs doivent faire preuve d’une extrême vigilance lorsque cesse leur contrat de franchise car certaines obligations continuent souvent de s’imposer à eux (clauses de non-concurrence, confidentialité, etc.). Les conséquences pratiques de la fin de vie du contrat de franchise sur les obligations des franchisés et franchiseurs seront abordées dans un prochain article.
Merci de votre attention ! Nous restons à votre disposition pour toute question ou échange :
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[1] Lignes directrices sur les restrictions verticales (2022/C 248/01), paragraphe 165.
[2] Règlement (UE) 2022/720 du 10 mai 2022.
[3] Cour de cassation, Chambre commerciale, 8 juin 2017, n°15-22.318.
[4] Cass. com., 8 juin 2017, n° 15-22.318.
[5] CA Paris,12 janvier 2022, n° 19/07792.
[6] CA Paris, 21 mai 2015, n° 14-08934.
[7] CA Toulouse, 18 novembre 2020, n°19/00757.
[8] CA Paris, 9 janvier 2019, n°16/21425 ; CA Paris, 28 février 2018, n° 16/17642.
[9] CA Paris, 28 février 2018, n°16/17642 et CA Paris, pôle 5, chambre 4, 26 avril 2017, n°14/22040.
[10] CA Versailles, 10 octobre 2017, n°16/05168 et CA Angers, 26 mars 2013, n°11/02802.
[11] CA Paris, 26 avril 2017, n°14/22040 et CA Versailles, 13 septembre 2016, n°14/05670 et n°14/05294.
[12] CA Chambéry, 3 octobre 2023, n° 21/00142.
[13] CA Paris, 3 octobre 2012, n° 11/05235.
[14] CA Paris, 8 février 2023, n° 20/04545.
[15] Cass. com., 6 mai 2003, n° 01-00.515.
[16] CA Versailles, 9 décembre 1987, Juris-Data n°1987-045452
[17] CA Paris, 30 mars 2022, n° 20/06507.
[18] Cass. com., 25 mars 2014, n° 12-29.675.
[19] CA Poitiers, 9 juill. 2024, n° 24/00079.
[20] CA Paris, 11 juin 1992, n°91-2309